"La meilleure façon de réaliser ses rêves, c'est de se réveiller!" - Paul Valéry


Wednesday, August 29, 2007

Train Spotting

Au petit matin, je comprends tres vite que ma nuit est terminee quand j'entends le vacarme qui regne dans le compartiment. Des vendeurs de toute sorte se relayent toutes les 2 minutes dans le couloir en s'ecriant 'Chai!!Chai!!!' ou 'Coffee!!!Coffee!!!',... ils passent et repassent enjambant les quelques d'indiens qui gisent par terre. Je descends de mon echelle la tete en vrack, il est 6h30.
Je prends un Chai et vais rejoindre Tarul qui est assis par terre a contempler les paysages par la porte du compartiment. Il me confie qu'il est venu a Bangalore pour un entretient dans l'armee de l'air, et qu'il a ete recale pour la seconde fois. Je sais que les Sikhs sont tres patriotes, tres attaches a l'honneur et connus pour leur service et bravour dans l'armee indienne, aussi je comprends le desespoir de ce jeune garcon qui se voyait deja pilote dans l'Indian Air Force. J'essaie tant bien que mal de lui remonter le moral, en lui disant qu'il pourra retenter sa chance l'annee prochaine...mais je vois bien qu'il n'y croit plus beaucoup. Je passerai ma journee en sa compagnie a admirer les paysages bucoliques du Maharastra, assis sur le rebord de la porte. Les petites collines aux pentes douces qui s'etendent a perte de vue contrastent avec les paysages arides d'ou je viens. Le train traversera des villages et des paturages ou la vie semble s'ecouler a un autre rythme. Un berger avec ses chevres, une jeune indienne allant chercher de l'eau au puit sembleront surgir de nulle part.
Je quitterai ma place seulement l'espace d'instant, le temps d'aller faire un tour du cote de la cuisine pour y degauter mon lunch. Je n'aurai pas a aller bien loin, le wagon d'a cote est celui que je cherche. Les plats semblent avoir ete prepares la nuit et reposent dans de grosses marmittes pleines de suie. Quelques indiens en tee shirts sales s'activent autour pour remplir des petites barquettes a coups de grosse louche. Le sol leur sert de poubelle et j'ai du mal a disserner les prix sur la pancarte tant la couche de crasse y est epaisse. Rien n'est appetissant ici, pourtant je me trouve quelquechose qui fera l'affaire: Un riz-sambar accompagne d'un chapati. Il n'est pas particulierement bon, mais j'ai faim et le devore en quelques minutes!
Apres 23h de train, me voila a Jalgaon, je n'ai rien d'autre a faire dans cette ville que de prendre un bus pour Ajanta. Ce long trajet m'a lessive, mais il me faut encore traverser la ville pour rejoindre la bus stand. Je regarde ma carte et decide de m'y rendre a pied. Erreur!! Elles est pourrie ma carte!! Je me retrouve a marcher 20 min en plein cagnard avec 25 kilos sur le dos dans le chaos d'une ville indienne. Les bruits de klaxon pleuvent, des rickshaws agiles se faufilent difficilement entre les queues de voitures, des passants traversent au milieu de bus plein a craquer qui dedalent dans les petites rues; des velos, des motos et des vaches melent a la scene un sentiment de chaos total. Apres 20 min de marche, j'arrive enfin a mon bus, meconnaissable!
Et la, stupeur! Le bus est plein a craquer, des poules enfermees dans des sacs de fortune caquettent dans l'allee centrale, des bottes de paille enroulees sont entassees derriere la porte d'entree, et les indiens en dhoti attendent sagement le depart du bus. Je trouve une derniere petite place sur la banquette derriere le chauffeur, faisant face a reste du bus et je glisse alors maladroitement mon sac sous le siege. Tout le bus a l'oeil rive sur moi, a croire qu'ils n'ont pas vu un blanc depuis un moment! Je peux facilement lire dans leurs yeux: "Mais qu'est ce que tu viens faire la??!!". Certains oseront quand meme me demander mon prenom et ce qui m'amene par la, d'autres, plus timides, se contenteront de m'observer tout le trajet avec plein de questions qui resteront sans reponses. Je ferai environ 10 heures de bus pendant ces deux jours, gagnant Aurangabad ainsi que les grottes d'Ellora et d'Ajanta. Je reussi a attraper mon train pour Delhi a Jalgaon mardi soir, celui la meme que j'avais laisse 2 jours plus tot. Encore 20 heures de train me separent de la capitale.

Vieil homme sur la route d'Aurangabad

Vendeuses de fruits de rue, Aurangabad

Un habitant des grottes d'Ajanta, qui casse la croute

Peinture murale, Ajanta

Portrait d'un Maharashtri, Fardapur

Interieur d'une grotte, Ajanta

Jeune garcon d'Ellora

Gardien des grottes d'Ellora, en plein boulot!

Buddha en position de l'enseignement, Ajanta

Sur le depart

J'ai rendu mon badge chez HP, donne mes cadeaux a Krishnan et Ajay. Ils avaient l'air tous deux tres touches du geste, cela ne se fait pas vraiment en Inde. Je suis pas sur qu'ils boivent de l'alcool mais ils semblent apprecier donc c'est le plus important. Krishnan est soucieux de ce que je vais faire ensuite, il me repete que je peux le contacter pour un soutien chez HP. Je le remercie pour son aide tout en lui avouant que je n'ai pas de plan pour la suite.
J'aime beaucoup Krishnan, c'est un Senior Research Scientist de 45 ans environ et d'une gentillesse et simplicite extreme. Il a un petit ventre bedonnant et vient travailler en chemise et tong, cela m'a toujours fait rire..mais c'est tres courant ici! J'ai beaucoup aime travaille avec lui. Il n'a jamais etudie a l'etranger, comme la plupart dans ce lab et pourtant, je le trouve tres ouvert d'esprit. Ajay lui est tout aussi sympathique mais beaucoup stresse et occupe, du a son poste de directeur du lab. C'est mon chef direct, il m'a toujours etonne par son esprit discursif en reunion. Il n'est pas directeur du laboratoire de HP Inde pour rien vous me direz , mais ca reste impressionant de travailler avec des personnes aussi douees et brillantes.
Mes adieux faits, je suis en route en moto dans le chaos quotidient qui separe mon lieu de travail de mon appart. Deux-trois derniers slaloms entre des vaches, des bus, des pietons et des velos et me voila a la maison! Je dois encore finir de demenager mon appart. Je vais devoir laisser plein de choses a Andre et Catherine en plus de mon kikounet (anciennement kikounette). Je passe ma derniere soiree a Bangalore avec Andre et Catherine, on ira manger a l'eden park, un resto que j'apprecie particulierement surtout pour son chicken shahi korma qui n'est pas sur la carte mais que les petits finauds connaissent.
Le lendemain l'atmosphere est lourde a mon reveil, je commence a sentir l'emotion de mon depart. Le temps est nuageux et pluvieux; en accord avec ce que je ressens. Bizarrement, j'aurais passe ma premiere et ma derniere nuit a Bangalore chez Andre et Catherine, c'est la que tout a commence et c'est aussi la que tout se termine aujourd'hui. Je suis heureux de partager mes dernieres heures a Bangalore avec eux.
Derniers au revoir, packing et repos seront mes dernieres activites ici, je sais que la route qui m'attend va etre longue. Lorsque vient le moment du depart, ce n'est pas sans emotion que je dis au revoir a Andre et Catherine. Eux qui ont toujours garde la porte grande ouverte du E36, qui etaient la dans les moments difficiles et qui m'ont aide a mieux comprendre l'Inde. Je sais que les reverrai, en Suisse, mais quelquechose se termine quand meme.
Vient mon kikounet, que j'ai eu a 1 mois et qui en a maintenant 8. Il va me manquer aussi mais je sais qu'il sera bien en E36, il mangera des pates le mardi soir et empechera les singes de rentrer dans la maison. Je l'ai entraine dur pour ca!! (Catherine le sait pas encore, c'est une surprise). Derniere petite tape sur la selle de ma moto, avec laquelle j'aurais parcouru plus de 12000 km sur les routes indiennes.
Je monte dans mon rickshaw qui se glisse tant bien que mal dans la circulation frenetique d'une heure de pointe d'une ville indienne. Je rejoins mon lit dans un wagon de 2 ieme classe, il fait gris dehors.
Les lieux sont peu acceuillants et exigues, ils ressemblent plus a des cages a poules qu'a des couchettes, faits d'un echaffaudage en fer surmonte de matelas qui ressemblent a d'epaisses planches en bois recouvertes d'une couveture bleue. Cependant, tout ca me semble plus confortable que les bus que j'ai l'habitude d'emprunter, au moins je serai allonge! Je fais tres vite la rencontre de Tarul, un jeune Sikh d'une vingtaine d'annee. Il a une petite barbe fine, et un joli turban noir. Il me confie qu'il est sur la "waiting list" et qu'il n'est pas sur d'avoir un lit pour la nuit. En effet, les lieux sont deja bondes et je me retrouve rapidement coince entre deux bonnes soeurs. En face de moi, une vielle indienne aux yeux noisettes me fixe du regard, elle semble ne pas vouloir me lacher des yeux..La nuit va etre longue.
Je regarde par la fenetre le train quitter doucement les lieux, mon coeur se serre.

HP Labs India pose pour Diwali 2006, cherchez l'intrus!


Kikounette dit kikounet depuis que j'ai appris recemment de la bouche du veto que mon chat Snowy etait un male!!


Laxmi, ma femme de menage. Elle est adorable. Elle ne parle pas anglais mais seulement tamoul, la langue de l'etat voisin du karnataka. Donc le contact fut assez difficile mais bien present.

Friday, August 24, 2007

Comme un gout amer

Ca y est! J'ai envoye mes derniers cartons par la poste, il devraient rejoindre la France d'ici 2 a 3 mois.
Je ressens comme un sentiment d'amerthume dans ce depart, comme un gout d'inacheve. Trop de choses sont passees si vite. Bien sur je suis heureux de rentrer chez moi et de revoir toute ma famille, mais il y a une partie de moi qui rechigne a etre completement heureuse de partir.
Pour la premiere fois, je me sens chez moi ici.

Je ne pretends pas etre indien (meme si Darpan mon collegue chez HP me disait souvent que j'etais plus indien qu'il ne l'etait..) mais vivre dans une culture si differente m'a demande un tel travail sur moi-meme que je ne peux me sentir complement etranger a ce pays aujourd'hui.

Je ne saurais decrire exactement ce que j'abandonne aujourd'hui; celui que j'etais en arrivant peut-etre. Je ne crois pas avoir reussi a comprendre ce pays, mais je me suis mieux compris moi meme. Au detour de ses rues, au aleas de mes rencontres, j'ai appris sur la vie, sur ma vie.

Je crois avoir passe un an et demi dans le plus beau pays du monde. Beaucoup voient dans ce pays la misere, la pauvrete et l'injustice. J'y ai vu la plus belle joie de vivre, les plus beaux sourires, et la plus grande tolerance du monde. J'y ai rencontre des gens qui ont change ma vision de la vie, dans un pays d'une richesse extreme.
Bien sur cette richesse ne se compte pas en euros, mais en humanite, en culture, en religion, en moeurs, en tolerance, en couleur et en joie de vivre.

Il y a des choses que je sais aujourd'hui, des choses qui marquent une personne a vie, et qui vous aide a mieux comprendre ce que l'on est.
Aujourd'hui je sais un viellard aux jambes frivoles voler une banane pour survivre, je sais le regard vide d'un homme qui attend que la mort l'arrache a une vie trop dure, je sais le lourd tribu d'une existence infirme, je sais le regard huileux d'un viellard trop fatigue par la vie avec qui je partage mon dejeuner, je sais ces longues nuits a voyager dans des bus sur des routes defoncees, je sais la joie d'un enfant dont je visite le village, je sais le sourire d'une maman a qui je montre la photo de son enfant, je sais les couleurs vives qui masquent une realite difficile, je sais les saveurs des epices d'un biryani d'Andra Pradesh, je sais les odeurs de Jasmin, de Rose, de Lys qui embaument les cheveux d'une femme, je sais le gout d'un jus de mangue fraichement presse,..je sais bien d'autres choses encore,.. mais je ne sais toujours pas l'Inde!

Les mots me manquent pour decrire ce pays et le rapport que j'ai entretenu avec. Je l'emporte avec moi et le garderai toute ma vie. Une chose est sure, il y a un dicton qui dit que l'Inde, on ne peut pas savoir si on va aimer ou pas avant d'y aller; mais que ce qui est sur, c'est qu'on en restera pas indifferent!
Maintenant je sais a quel point j'aime ce pays et je sais aussi a quel point il a change ma vision de la vie.