"La meilleure façon de réaliser ses rêves, c'est de se réveiller!" - Paul Valéry


Thursday, November 1, 2007

Sur la route de la Soie, partie 1 (Urumqi-Turpan)

A notre arrivee a Urumqi, il est deja tard. Nous devons trouver un logement pour la nuit mais la restriction des hotels aux chinois dans le Xinjiang complique un peu les choses. Nous faisons plusieurs hotels qui nous refusent avant d’en trouver un qui accepte les etrangers.
Le lendemain, nous entamons un long trajet en direction du Kazakhstan, aux abords du lac Sayram. Sur la route, de vieux tracteurs transportent peniblement des remorques de cotons, des dos voutes croulent sous le travail dans des champs de cotons qui s’etendent de part et d’autre de la route et de larges etendues de piments rouge dorent sous le soleil brulant du desert.
Apres 10 longues heures de route, nous arrivons enfin au lac. Il est splendide, d’un bleu profond dont les nuages se jouent a en faire changer la nuance. Le lieu est calme et pas l’ombre d’un touriste ! Avec Tom, nous faisons une balade de 6h environ avant d’attraper notre bus qui nous ramene a Urumqi. A notre arrivee, Tom prend son avion qui le ramene en France. Quant a moi, je continue mon voyage et attrape un bus pour Turpan, quelque 3h plus au Sud.
Turpan est un oasis, plante au milieu du desert, au creux de la depression du meme nom. Turpan fut longtemps une etape importante sur la route septentrionale de la soie, nichee a -154m sous le niveau de la mer, c’est aussi le point le plus chaud de Chine et le plus bas au monde apres la mer morte. Pour y parvenir, le bus traverse une route seche et aride, ou se profilent quelques camions a l’horizon que je devine a travers la brume du desert. Je trouve facilement ou loger a mon arrivee, et je pars tres vite a la recherche d’un cafe ou je pourrai trouver des infos sur la region. J’interpelle une petite dame Ouighour d’une cinquantaine d’annee, dans une petite rue tortueuse du vieux Turpan. Elle a une petite tete bien ronde, et des cheveux noirs frises. La petite dame porte une longue robe beige descendant jusqu’au chevilles qui laisse entrevoir ses talons hauts. Elle me sourit tendrement en me faisant comprendre qu’elle ne peut m’aider. Elle insiste pourtant pour que je la suive. Nous nous dirigeons alors vers une petite porte d’un rouge vif en contre-bas de la route. La petite dame m’esquisse un large sourire et ne cesse de me repeter ‘Mother, Mother’ tout en frappant allegrement sur la vieille porte en bois. Un jeune homme ouvre, je comprendrai plus tard qu’il s’agit de son fils. Derriere la porte, une petite cour ombragee par de vieux plants de vignes apparaît. Tres vite, la petite dame me pousse a l’interieur de la maison de village. J’entre dans le salon Ouighour par une petite porte sur le cote. Devant moi, une scene surelevee tapissee de tapis chinois rouges et noirs aux motifs symetriques ainsi que d’autres tapisseries plus exotiques arborant les murs ornent la piece. C’est un salon typiquement Ouighour. La scene surelevee est en fait le lit pour toute la famille ou un atre permet d’allumer un feu en hiver et garder ainsi la petite dame au chaud pendant son sommeil. Son nom est Amanguli. Elle est adorable et est aux petits soins avec moi. Elle me sert un bon the chaud avec des gateaux sables. Nous tentons tant bien que mal de communiquer. Elle parle un peu chinois, et je m’essaie a lui traduire mes pensees mais elle comprend bien mieux lorsque je lui fais lire les caracteres! Nous passons plusieurs heures ensemble, a discuter, a essayer de se comprendre, aux rythmes de rires et de gestes. Nous n’avons pas de langue en commun, et pourtant nous reussissons a nous comprendre. Le soir venu, le pere rentre d’une longue journee de travail. Il est aussi gentil qu’elle. Les enfants sont la aussi et j’irai faire une partie de billard avec l’aine, Bedrula. Je gagne la premiere partie mais me fais laminer les 4 suivantes. Je comprends alors qu’il s’agit la de la sortie quotidienne entre amis du jeune Ouighour de 19 ans. Amanguli insiste pour que je vienne diner chez eux dans la semaine. J’accepte poliment. En partant, elle me montre la porte d’entree avec un large sourire pour que j’en memorise le numero. Je suis frappe par l’accueil et la generosite de cette petite dame, qui me traite litteralement comme son propre enfant. Je promets a Amanguli de revenir dans la semaine, pour diner avec eux. Elle semble ravie!
Le lendemain, je me rends aux ruines de Gaochang. Gaochang etait la capitale des Ouighours il y a 1000 ans, une importante cite marchande de la route de la Soie et point de rencontre de divers peuples d’Asie centrale. J’arrive dans la vielle cite au coucher du soleil et attrape une petite carriole tiree par un jeune cheval pour en faire le tour. La cite a souffert des annees et seuls les enormes remparts qui entourent la cite du desert restent bien conserves. Je me promene les pieds ballants sur la petite charrette dans le silence de la cite oubliee. L’instant est magique. Le soleil couchant donne des reflets oranges aux restes de murs faits de terre et de paille. La cite est bercee par le bruit des sabots de l’attelage qui semblent ne jamais avoir quitte l’endroit. J’imagine alors facilement les rues bondees d’attelages, de negociants en tout genre, de ferronniers et d’artisans qui ont jadis fait vivre la cite. C’est comme si ces vieux murs avaient emmagasine toute la vie qui y avait grouille pendant des siecles. Les couleurs chaudes du soleil a l’horizon font a elles seules revivre l’endroit. Quelquechose de mystique reigne ici. J’y suis bien, au calme.
Apres ce moment magique, je reprends la route pour aller dormir aux abords du desert du Taklamakan. Au petit matin, je me dirige vers des dunes de sable pour y admirer le lever du soleil. La lumiere est superbe, de vastes dunes jaune-orangees se profilent a l’horizon. Un autre moment de calme et de repos, dans un endroit hostile et monotone mais au combien magnifique.
A mon retour a Turpan, Amanguli me prete gentiment le velo de la famille. J’en profite pour me balader aux abords de l’oasis, dans de petits villages Ouighours, faisant de tres belles rencontres. Le soir venu, je dine chez Amanguli qui a prepare un plat de foie d’agneau pour l’occasion. Je ne suis pas tres abat, mais c’est tres bien cuisine et je me regale ! Lorsque vient le moment de partir, Amanguli me demande si je vais revenir le lendemain pour diner a nouveau avec eux. Elle a un sourire genereux et semble attendre mon ‘Oui’ avec une certaine excitation. J’aimerais lui dire oui mais il me faut lui avouer que je dois prendre mon bus pour Kashgar et continuer ma route. Amaguli semble decue, et m’ecrit sur un bout de papier le numero de telephone de la maison ! Je trouve le geste adorable. Le contact entre nous etait deja difficile sur place, je n’ose imaginer comment on pourrait se comprendre par telephone ! Je note son numero et propose de prendre une photo avec elle, que je lui enverrai une fois rentre. La petite Ouighour semble ravie et s’eclipse quelques minutes avant de revenir endimanchee ! Cela me fait sourire. Elle s’est maquillee et s’est faite toute belle pour la photo ! Je prends alors le cliche et recopie son adresse en chinois.
Je sers Amanguli dans mes bras et la remercie du fond du cœur pour sa gentillesse et l’accueil qu’elle m’a reserve. Je suis emu de la quitter. Elle aussi. Je n’ai passe que quelques jours avec cette petite famille et pourtant ils vont me manquer. J’ai rarement rencontre des gens aussi hospitaliers.
Avant d’attraper mon bus, j’irai flaner une derniere fois dans les petites rues ombragees de la vieille ville. La vie y grouille du matin jusqu’au soir. J’aime m’y perdre et rencontrer quelques vieux Ouighours au coin de ses rues. Dans l’une d’elle, un vieil homme, tenant une jolie canne en bois dans la main, est assis sur un petit muret. Le soleil couchant laisse entrevoir les magnifiques traits de son visage use par la vie. Je m’arrete un petit moment a ses cote. Le vieil homme a le regard dans le vide, il semble ailleurs. Je prends alors un cliche de lui. Le vieil homme jette un coup d’œil sur l’ecran de l’appareil et esquisse un large sourire. Il est ravi de se voir en photo! Il essaie alors tant bien que mal de m’expliquer en Ouighour qu’il voudrait la photo. Je m’efforce de lui faire comprendre qu’il m’est impossible de la lui donner sur papier. Le vieil homme sort alors de sa poche les quelques Yuans qu’il possede. Je lui souris tendrement. Je le trouve adorable. Ce petit homme au dos voute n’a pas grand-chose et pourtant il donnerait tout ce qu’il a pour cette photo. J’aimerais pouvoir la lui donner sur le champ. Je lui prends la main et la referme avec les billets dedans, tentant de lui expliquer que l’argent n’est pas le probleme. J’ai alors une idee. M’assurer tout d’abord que le vieil homme est bien devant chez lui en demandant a son voisin avec qui nous nous comprenons un peu mieux, et recopier ensuite son adresse inscrite en chinois et en Ouighour sur sa porte. J’assure au vieil homme que je lui enverrai les photos. Apres quelques minutes d’explications gestuelles, parsemees de sourires.., il saisit. Il semble ravi! Il me demandera quand meme dans combien de jours. Me montrant le soleil et comptant sur ses doigts. Le vieil homme s’arrete a 4. Je lui souris, il est adorable. J’aimerais pouvoir la lui donner dans 4 jours. Je n’ose lui dire que ce ne sera pas avant deux mois!
Apres cette tendre rencontre, il est temps pour moi de rejoindre mon bus, pour un long voyage de 27h vers Kashgar. Le bus empruntera la route septentrionale de la Soie. Une autre route, plus au Sud, est appellee route de la Soie meridionale. La route se divisait a Kashgar, et ne traversait pas le desert du Taklamakan, repute mortel a cette epoque.
Nous traverserons de longues plaines desertiques, le long du desert du Taklamakan.
En chemin, nous nous arretons dans des restaurants qui bordent la route, servant une excellente cuisine Ouighour. Des brochettes d’agneau tendres sont pretes a etre grille au barbeucue et dans les cuisines on s’active pour preparer d’excellents ‘Suoman’, des nouilles dans un sauce de tomates, poivrons, aubergines et viande. Je mange les meilleures pates de ma vie dans ces petits restaurants perdues dans le desert (mise a part celles que me preparait ma grand-mere!). Les nouilles sont prepares a la main, elles sont roules et etendues par un cuisinier qui les forme avec une rapidite et une dexterite etonnante. Derriere les fourneaux, de petits bacs contiennent des legumes frais coupes en petits carres. Le cuisinier fait flamber le tout au dessus d’une enorme cuisiniere viellis par les ages, et se sert des ingredients pour concocter une sauce tomate fraiche et excellente ! Les pates sont plus epaisses que chez nous mais gouteuses et aldente. Je me regale avec ca de petites brochettes d’agneau, dont la viande fond dans la bouche ! Je suis bien loin des restaurants indiens qui bordent les routes, ou de mauvais thalis ou idlis sont servis a la va vite dans de vieux recipients sales. Ici, je languis le moment ou le bus va s’arreter dans un de ces petits restaurants !
Le bus reprend sa longue route vers Kashgar, le soleil couchant donnera de magnifiques reflets rouges au desert qui parseme les alentours. Je suis adossee a la fenetre, contemplant le vide qui m’entoure. Le bus semble venir et aller nulle part. Je suis bien. Une douce nuit m’attend.
Lac Sayram, pres de Yining, Chine

Minaret Emin, Turpan, Chine

Vieil homme tenant son petit fils, marche de Turpan, Chine

Desert du Taklamakan, environs de Turpan, Chine

Sur le marche de Turpan, Chine

Vieil Ouighour au detour d’une ruelle, Turpan, Chine

Vieux maraîcher, Turpan, Chine

Sur le marche de Turpan, Chine

Vieil Ouighour venu acheter sa viande au marche, Turpan, Chine

Sur le marche de Turpan, Chine

Vendeur de tissus, Turpan, Chine

Ouighour au detour d’une rue, Turpan, Chine

Famille Ouighour en route vers le marche, Turpan, Chine

Desert du Taklamakan, environs de Turpan, Chine

Ouighour sur le marche, Turpan, Chine

Piments seches, marche de Turpan, Chine

Vieil Ouighour au detour d’une rue, Turpan, Chine

Gateaux sables, marche de Turpan, Chine

Sur le marche de Turpan, Chine

Jeune Ouighour au detour d’une rue, Turpan, Chine

Couple d’Ouighour rentrant du marche, Turpan, Chine

Vieil Ouighour sortant de la priere, Turpan, Chine